[ 10 déc. 2019 – 28 déc. 2019]
L’influence cinématographique, entre Indiana Jones, Tomb Raider ou les 2 frères, avait déjà bien travaillé notre imaginaire sur les temples Khmer. Comme deux aventuriers, c’est plein d’enthousiasme qu’on se lance dans la jungle à leur découverte.
” Je vous l’ai déjà dit!… Ne m’appelez plus Junior!”
Ce retour sur l’histoire Khmer se marque aussi par un retour au source, un retour vers la terre et une approche plus responsable de nos mode de vie. En posant nos vélos quelque temps, on tentera de s’imprégner au plus de la philosophie de la permaculture avant de quitter le pays.

C’est par le nord qu’ils viendront
C’est par le Nord du Cambodge que l’on entre dans le pays (ou par le sud du Laos, ça dépend comment on voit la chose). Le Cambodge n’a pas beaucoup de frontières ouvertes avec ses pays voisins. C’est l’unique frontière avec le Laos.
On sort tout juste de la région des 4000 îles sur le Mékong au Laos, et on espère retrouver un minimum d’humidité et de verdure, mais c’est tout l’inverse que l’on trouve une fois la frontière passée. Tout est sec et recouvert d’une poussière rouge qui se dépose sur la route et teint nos vélos.

On pédale vite pour atteindre la première grande ville Cambodgienne, Stung Treng. Voulant profiter des sites historiques et avec notre arrêt prévu en tant que volontaires dans une ferme, nous ne ferons qu’un camping sauvage au Cambodge. Mais à l’inverse du Laos, nous aurions pu camper plus. Le camping ne pose pas de problèmes et si la peur des serpents et autre rampants vous prend, il est souvent possible de trouver de petites cabanes (quatre poteaux et un toit) surélevées en bord de route pour y mettre la tente.
Les hôtels ne sont cependant pas cher et pour quelques dollars on dort dans un lit double à Stung Treng. De toute façon, nous essayons toujours, quand c’est possible, de profiter de notre première soirée dans un nouveau pays pour se poser en ville et découvrir la culture, et surtout les plats locaux.
Plein d’attente on sort après une douche vers les bouis-bouis de rue. Xavier a repéré un énorme wok plein de nouilles sautées. Pas le choix, il va falloir goûter. Il s’avère que les nouilles sautées sont très bon marché et très bonnes. On en prend deux fois et à partir de là, on s’arrêtera pour une portion à chaque fois que l’on en verra en bord de route.
L’influence de la pleine lune
Marie et Eva, deux Néerlandaises croisées au Laos et au Vietnam nous avaient parlé de leur envie de pédaler de nuit sous la pleine lune. Ça nous avait donné envie et ça tombe bien, ce soir c’est justement la pleine lune.
Il y a 195km entre Stung Treng et les premiers temples, Koh Ker et Beng Maelea, au abord de Siem Reap où on veut s’arrêter. La route part, toute droite, plein ouest. Il y a quelques petites bosses mais rien de méchant. On se dit qu’on peut faire d’une pierre deux coups en pédalant les 195km en deux jours tout en profitant de la pleine lune ce soir pour tenter l’expérience du vélo de nuit.
C’est un bon choix. La route est monotone. Les paysages sont toujours aussi secs. Les champs et les terrains que l’on voit sont en friches. On trouve quelques productions d’arbres fruitiers mais c’est faible. Peu est exploité ou entretenus, ce qui accentue grandement l’impression de sécheresse.

Mais comme souvent dans les régions au climat et aux conditions plus rudes, c’est là que l’on retrouve les gens les plus sympas. Comme au Laos, les cambodgiens nous font tous de grands sourire et même si nous ne parlons pas un mot de Khmer, ce sont toujours des visages amicaux qui s’adressent à nous. On adore manger dans les gargotes de bord de route. Ce n’est pas facile d’éviter les plats de viande mais c’est toujours bon. Amok, Lap, Lok Lak, nems, curry, soupe, salade, il y a plein de chose à découvrir dans la cuisine Khmer.

À l’approche de la nuit et fort de notre idée, nous nous arrêtons pour une dernière collation le temps que le moment le plus sombre passe. C’est vers 19h, après le coucher de soleil et avant que la lune ne se lève que la pénombre s’installe.

Rouler de nuit à ce premier avantage très net : il fait moins chaud! Mais c’est aussi toute une vie nocturne qui se met en place que l’on ne connaissait pas dans les campagnes. La chaleur rend les bords de route, de jour, assez vides et avec peu d’activité.
Les gens sortent en début de nuit et il y a presque plus de gens dehors que durant la journée. On entend au loin de grosses basses résonner. En arrivant devant la cours de la maison où sont posées les enceintes nous sommes tentés de nous arrêter pour nous joindre à la fête. Des tables sont dressées et les gens affluent d’on ne sait où pour rejoindre les enfants dansant dans la cours.
Mais le son, comme souvent en Asie du sud-est, est beaucoup, beaucoup, trop fort et nous repartons dans la pénombre de la nuit.
Les ombres s’allongent sous le reflet des rayons de la lune. On profite de l’ambiance qui s’installe pour faire quelques photos d’un style différent.

Si vous ne comptez pas pédaler jusqu’au lever de soleil, trouver un endroit de camping est un peu plus dur lorsque l’on pédale de nuit. La lune éclaire suffisamment pour pédaler, car la route est dégagée et les bandes blanches reflètent la lumière. Mais ça ne permet pas de regarder au loin dans les fourrés. La nuit apporte une touche d’adrénaline en plus mais une fois les 100km atteint pour la journée, on pose la tente. Pas sur de là où on est mais tant pis, on verra demain.
On est accueillis par des visiteurs au réveil. La route de terre que nous avons suivi hier soir conduisait un peu plus loin à une maison isolée. C’est avec grand étonnement que quatre filles nous trouvent ici le matin. « Mais que font là ces deux étrangers qui sortent juste de leur tente ? » Ce n’est pas la première, ni la dernière fois que cela nous arrive. Le sourire est alors la meilleure des langues universelles et après quelques fous rire, elles reprennent leur chemin et nous pouvons petit-déjeuner. On ne changera pas notre culture, impossible pour nous de manger devant quelqu’un qui nous regarde.

Koh Ker et Beng Maelea
Angkor Wat est impressionnant et vaut sa réputation, mais il n’est pas l’unique vestige Khmer encore visible. Koh Ker et Bang Maelea sont deux complexes de temples très agréables à découvrir. Ils sont plus isolés, reculés et sauvages que le parc de Siem Reap et surtout moins visités.
On est motivés et avec un bon rythme à vélo sur les 50km qui séparent les deux temples, nous arrivons à temps pour profiter de Beng Maela avec la lumière du soir. La jungle et ses impressionnants arbres aux racines immensément longues ont repris leur droit sur le temple. On a l’impression de jouer à Tomb Raider à la découverte des temples perdus. Des passerelles en bois ont été aménagées pour passer au dessus des ruines. Ça donne une belle vue d’ensemble surélevée.


Fatigués de notre journée, on ne cherche pas longtemps un endroit de camping et on se dirige vers un homestay que l’on avait repéré sur la carte. Toute la famille de la propriétaire est présente autour de la maison traditionnelle. La notion de vie en famille est bien différente en Asie de chez nous. Les générations restent entre elles. Les enfants ne partent pas une fois grand, pour des raisons pécuniaires bien sûr, mais également pour des raisons culturelles. Après s’être fait nourris et éduqués c’est à leur tour de remplir les assiettes de la famille. En parlant d’assiette, on nous en prête de jolies avec de quoi cuisiner. On regrette un peu de ne pas prendre le repas du soir proposé mais ça ne pose pas de problème. Nous sommes arrivés à la dernière minute (on a croisé la propriétaire sur son scooter à l’entrée alors qu’elle allait partir) et il faut que l’on cuisine nos légumes. On ne le fera pas à Siem Reap les prochains jours.
Au matin tous les jeunes, hommes et femmes, montent dans la remorque tirée par le motoculteur pour partir au champ. La maman qui nous a accueilli nous explique cependant que la principale source de revenue de la famille est cette partie de la maison transformée en gîte.

Siem Reap
On décide de ne pas suivre la route principale pour aller à Siem Reap mais de suivre les pistes qui coupent au milieu de la campagne. Très bon choix, on retrouve de jolies étendues d’eau, des buffles et des palmiers !




Le centre de Siem Reap n’a rien à voir avec le reste du Cambodge. Les rues piétonnes, pleines de lumières, de bruits et d’agitations la nuit, sont bondées de commerces, de restaurants et de vendeurs essayant d’attirer les nombreux touristes chez eux. Rien à voir avec le calme des campagnes à peine 50 km plus loin. On profite quand même de la piscine de notre auberge de jeunesse pour ces trois jours de repos.
On ne peut rater l’attraction principale de la ville et on prend la journée pour visite le parc de Angkor Wat. Le parc est immense et les vélos nous permettent de prendre des chemins à travers la jungle, inaccessibles pour les visiteurs en tuk-tuk ou en scooter. Ça apporte un charme en plus à la visite car c’est au final la végétation et ces arbres multi-centenaires, les fromagers, qui font une partie de la beauté des temples.


Les femmes et les enfants d’abord !
On suit les conseils d’amis belges cyclo voyageurs rencontrés au Laos et on prend le ferry qui relie Siem Reap à Battambang.

Un lac est dessiné sur la carte entre les villes mais en réalité il s’agit plus d’un méandre de mangroves dans lequel circulent des bras de rivière. Siem Reap n’est pas à proprement parlé sur le lac, même plutôt loin en fait. On fait 2h de bus pour arriver à un port secondaire, car le niveau de l’eau est trop bas. L’agence qui nous a vendu les tickets de ferry n’a pas voulu que l’on pédale et a préféré que l’on mette les vélos à l’intérieur du bus/navette dont la petite soute était depuis longtemps pleine. Le port situé au bout d’un long canal permet, lorsque le niveau de l’eau est bas, d’arriver dans le lac. Il n’y a rien autour et la piste pour y arriver est mauvaise, pourtant une fois au bord du canal, l’agitation bat son plein, sans doute dû à l’arrivée des touristes à qui on demande de monter dans les bateaux filiformes.

La traversée prend environ 7h. C’est long mais le trajet en bateau est beau. On passe au travers des villages flottants et en plein cœur de la mangrove. Bien qu’on soit en début de saison sèche, c’était déjà trop tard et on vous conseille de le faire en saison des pluies ou au tout début de la saison sèche. Notre bateau, trop rempli pour l’époque, se met à toucher le fond et il faut aller à l’eau. C’est d’abord les hommes qu’on appelle et qui les pieds dans la vase se mettent à pousser le bateau. Mais rapidement tout le monde fini à l’eau pour se mettre à l’ouvrage. On est encore loin de Battambang et on se rend bien compte qu’on ira pas loin comme ça. La décision est prise d’abandonner le navire. Des pick-ups viendront chercher les naufragés sur la piste qui longent la rivière. Armés de nos vélos, on se propose de libérer deux sièges et de pédaler. La route est belle. Elle passe le long de hameaux de pécheurs où on ne serait jamais allés sur nos montures. Mais entre le bus non prévu, l’entassement sur le navire, la séance Titanic et les 30km à vélo, l’addition est un peu dure à avaler vu le prix du ticket. Mais le magnifique coucher de soleil remonte le moral et on arrive juste à la tombée de la nuit à notre hôtel, après 11h de trajet.

Master Chef au Cambodge
En plus de la traversée en bateau, on nous avait conseillé les cours de cuisine à Battambang. C’est plein d’enthousiasme qu’on se rend le lendemain matin à l’école. D’autant plus qu’on sait qu’on va pouvoir manger tout ce qu’on cuisine. On commence par aller au marché, acheter les derniers ingrédients. Le marché de Battambang est l’un des plus beaux que l’on ait vu. C’est un marché typique et authentique, plein de vie. On ne trouve que peu de produit européens et on est bien content que notre chef de cuisine soit avec nous pour pouvoir poser nos questions. Entre les stands de crêpes, pancake, nouille et riz sauté, nems, smoothie, café, gâteaux, soupe ou curry, il y a presque autant de stands de “prêt à manger” que de vente de produit frais. Difficile de ne pas tout goûter. Dans cette belle agitation, c’est comme si toute la ville prenait plaisir à venir faire ses courses ici.


Le cours de cuisine se déroule très bien et c’est content, le ventre plein, que nous rentrons. On rejoint Gisèle l’après-midi pour aller voir la sortie des chauve-sourie. Elles sont par dizaine de milliers à sortir de leur grotte. On avait pas trop d’attente mais on est pas déçus du spectacle.

Développer son rapport à la nature
Le lendemain on pédale les derniers 95 km qui nous séparent de la ferme où l’on s’est engagés à aider en volontariat pendant 10 jours. On est tous les deux très excités de démarrer cette nouvelle expérience. La ferme est proche de la frontière thaïlandaise et l’endroit est parfait pour poser les vélos quelques temps.
Olivier et Darin, un couple franco-cambodgien et les fondateurs du projet OrganiKH nous acceptent et nous accueillent à bras ouvert à notre arrivée.

Motivés par des rencontres le long du voyage avec des personnes l’ayant fait, nous avons cherché à faire du volontariat pendant une dizaine de jours. Pour rentrer en contact avec les personnes cherchant de l’aide, nous avons utilisé la plateforme HelpX, mais il en existe d’autre comme Workaway ou WWOOF. Le gîte et le couvert sont généralement fournis en échange de l’aide apportée. Mais le bénéfice chez le volontaire se fait aussi par la découverte de quelque chose de nouveau et l’expérience acquise pendant le travail effectué. La permaculture, on connaissait en théorie, mais le voir appliqué en vrai était très enrichissant. En Asie, beaucoup d’écoles cherchent des volontaires pour enseigner l’anglais, voir même le français. Mais notre attention c’est porté vers cette ferme en permaculture.

La ferme a trois produits phares : le pois papillon, la roselle et la citronnelle. Les fleurs des deux premiers sont transformées en tisane et confiture. Le tout est joliment emballé et vendu individuellement.
En plus de ces produits commercialisés, c’est tout une culture et une communauté qu’Olivier et Darin ont cherché à construire autour de leur ferme. Entre les différents bungalows et espaces de vie, il y a sept bâtiments, tous faits de briques de terre. Parmi eux il y a un grand bâtiment ouvert, tel une petite école, servant de lieu de formation, d’introduction à leur philosophie ou simplement d’apprentissage pour les enfants. Une place a été réservée juste à côté pour un terrain de foot, parfait pour attirer les groupes. Dans le respect de leur éthique et principes, Olivier et Darin ont grandement diversifié ce qu’ils font pousser, ou laissent pousser, cherchant à recréer un écosystème autour d’eux et une production responsable. Ce sont ces principes qu’ils cherchent à transmettre à la communauté créée.
Fort de son expérience et de son savoir faire, Olivier vend ses services en temps que consultant sur d’autre projets au Cambodge et est amené à se déplacer pour guider d’autres belles idées.
Malheureusement on apprend le premier jour que le projet va bientôt fermer et que la famille s’apprête à partir en France. Mais ce n’est pas grave, Olivier continue à partager ses idées et sa philosophie avec passion et il y a toujours quelque chose à faire.
Xavier, curieux d’en apprendre plus, motive les troupes pour accomplir des tâches plus ponctuelles et inconnues pour nous : vider et refermer les toilettes sèches et fabriquer des briques à base de boue, de paille et de cosse de riz.

On rencontre Renaud, Corinne et leur deux filles après quelques jours qui arrivent aussi en volontariat. En famille ils sont sur un voyage au long terme en Asie du sud-est. Parler avec eux est fort intéressant autant sur le plan voyage que professionnel.

Entre les principes de perma, la fabrication du composte, la récolte du coton, les briques, les toilettes sèches et les pizzas de Noël, on aura beaucoup appris et emmagasiné plein de bons souvenirs. Au bout de dix jours, c’est plein d’énergie que l’on remonte sur les vélos pour se diriger vers la frontière Thaïlandaise. Il ne faut pas traîner, on a une semaine pour remonter à Phitsanulok retrouver la famille de Xavier qui nous rejoint pour pédaler avec nous.

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